Toute propagation du son s’accompagne d’une réflexion acoustique, dès lors que l’onde sonore rencontre une surface qui en partie l’absorbe et en partie la réfléchit. Dérivant de ce principe, le cycle Réflexio propose une série de conférences où les paroles d’artistes, de musiciens et de chercheurs s’offrent à la réflexion partagée, dans des moments d’échange où les énoncés de chacun et chacune deviennent autant d’échos d’échos. De l’audio-naturalisme à l’occultisme sonore, en passant par l’écoute des ondes électromagnétiques, un théâtre de poche, la présence performative des actions éphémères et le détournement des instruments dans l’improvisation, ces conférences abordent quelques-unes des préoccupations qui animent, aujourd’hui, les pratiques et la recherche dans les arts sonores, les musiques expérimentales et les sound studies.
Le cycle de conférences Reflexio est dirigé par Matthieu Saladin dans le cadre du séminaire de Master « Les usages du son dans la pratique artistique ». Il est co-organisé avec Synesthésie¬ Mmaintenant, l’université Paris 8 et les Instants Chavirés.
« Je propose de présenter mes recherches actuelles, accompagnées d’extraits sonores, afin d’en extraire quelques hypothèses de travail. J’expérimente actuellement des procédés de sur-magnétisation de bandes magnétiques à partir d’enregistrements variés (le plus souvent issus de mon quotidien) : procédés simples qui entraînent effacement et chaos dans l’organisation du support. J’écoute les résidus sonores qui viennent de ces opérations mais aussi tous les artefacts qui apparaissent. Les effets que ces résidus produisent à l’écoute participent d’une sorte de cryptage, ou encore, de masquage de l’enregistrement. Ce qui m’intéresse est de confronter cette expérience technique, mécanique, ou chimique, à un travail de composition musicale ; et de chercher à découvrir la complexité qui en découle.
Ces récents travaux s’appuient sur deux intuitions centrales qui me permettent d’appréhender plus largement mon processus de travail : de la prise de son aux opérations de magnétisation. Je propose de les aborder de la manière suivante :
– l’expérience de l’écoute en situation d’enregistrement marquée par l’incertitude. Elle est déterminée par la nature de la bande magnétique (en un sens anti-naturaliste).
– les enjeux qu’il peut y avoir à travailler avec des machines anciennes, qui même si on les utilise pour leurs précisions techniques, ont tendance à fétichiser les sons enregistrés : on les entendra d’abord pour ce qu’ils sont ou ce que l’on croit reconnaître subjectivement – situation d’écoute classique pour les enregistrements de terrain – et on les entendra sans doute aussi par le prisme d’un imaginaire ancien, nostalgique, fragile, propre à la bande magnétique.
En un sens, ces machines posent peut-être aujourd’hui le problème du « genre » en musique (une sorte de maniérisme ?), et de l’évaluation de critères esthétiques dans la composition musicale. »
Marc Baron est compositeur de musique pour haut-parleurs. Il enseigne l’improvisation aux enfants et participe à des ateliers d’éducation populaire. Son travail est essentiellement lié à une pratique de studio. Ses outils sont principalement analogiques : si les magnétophones sont au centre de sa pratique, l’ordinateur en constitue la marge. Il compose à partir des spécificités du support magnétique, et cherche dans l’épaisseur du bruit de la bande à fabriquer des formes qui mélangent réalisme abimé et flou sonore le plus total. Il entretient un rapport quotidien avec la prise de son, essentiellement intime et domestique : pratique du retrait et de l’indécision pour le compositeur. Ses travaux ont été publiés sur les labels Cathnor Records, Potlatch, Moremars, Erstwhile Records, Glistening Examples.
"Charlotte Moorman, une violoncelliste dans l’avant-garde." Le chemin artistique de Charlotte Moorman parcourt les transformations artistiques du grand laboratoire expérimental du 20ème siècle, avec ses théâtralisations, ses manipulations, son brouillage des catégories artistiques. Elle construit son parcours à travers des collaborations, notamment avec l’artiste Nam June Paik. Effets de ces détournements, ses performances révélaient la présence d’un corps derrière l’instrument, d’une femme, d’autres formes d’expressivité.
Deborah Walker est une violoncelliste active dans les musiques contemporaines et expérimentales. Elle s’intéresse à différentes formes de création musicale, souvent liées à l’exploration sonore, ou en interaction avec d’autres disciplines. Membre de l’ensemble Dedalus et de l’orchestre ONCEIM, elle a collaboré avec des compositeurs tels que Éliane Radigue, Phill Niblock, Pascale Criton, Philip Corner, Catherine Lamb. Après un Master à l’Université de Paris 8, elle est maintenant doctorante à l’Université de Lorraine avec une thèse sur les performances et éditions d’artistes Fluxus en Italie.
"With the confinement we are force to confront today’s reality and ourselves but it seems that we don’t have proper tools to do this. Our everyday experience is transforming rapidly and at the same time an increased sense of loneliness is creeping in. Our ways of communicating are becoming cold and distant. The future is uncertain and more people are looking for answers to make sense of themselves in this senseless reality. During this presentation I will talk about the connections between what I called social dissonance and the growing fascism. People engage more time online and extreme right wing groups and parties together with pro-conspiracy theories are benefiting from this. If there was already a very fragile liberal consensus, now this is crumbling. The desecration of individual experience comes now with a vengeance, a return to sacred values and simple answers for lost individuals to feel whole again and to have for a moment, a coherent understanding of the present and a horizon for the future."
Mattin is an artist from Bilbao –living in Berlin– working with noise and improvisation. His work seeks to address the social and economic structures of experimental sonic artistic production through live performance, recordings and writing. Using a conceptual approach, he aims to question the nature and parameters of improvisation, specifically the relationship between the idea of »freedom » and constant innovation that it traditionally implies, and the established conventions of improvisation as a genre. Mattin considers improvisation not only as an interaction between performers and instruments, but as a situation involving all the elements that constitute a concert situation, including the audience and the social and architectural space. He tries to expose the stereotypical relation between active performer and passive audience, producing a sense of strangeness and alienation that disturbs this relationship. In 2017 he completed a PhD at the University of the Basque Country under the supervision of Ray Brassier. Along with Anthony Iles they edited the book Noise & Capitalism in 2009. In 2012 CAC Brétigny and Tuamaturgia published Unconsitituted Praxis, a book collecting his writing plus interviews and reviews from performances that he has been part of. Both books are available online. Urbanomic will publish soon his book Social Dissonance. Mattin took part in documenta14 in Athens and Kassel in 2017.
http://mattin.org
À la manière d’un tour d’horizon des questions qui l’occupent dans son travail, Simon Ripoll-Hurier reviendra sur plusieurs de ses œuvres récentes ou actuellement sur le chantier. Entre 2014 et 2017, Simon Ripoll-Hurier développe Diana, une recherche qui inclut film, vidéo, performance et création radiophonique, au cours de laquelle il va à la rencontre de différentes pratiques d’écoute, qu’il met en relation. Depuis des chasseurs de fantômes dans le New Jersey jusque des birders en Alabama, en passant par des radioamateurs en Guyane française, ces amateurs développent, tous à leurs manières, des rapports avec des invisibles. Il s’agit pour eux d’émettre des signaux à destinations d’entités distantes, cachées ou occultes, et d’interpréter dans la masse des parasites et du bruit de fond les signaux faisant office de réponses. Simon Ripoll-Hurier finalise actuellement un film court sur un orchestre symphonique à Skopje (Macédoine du Nord) qui enregistre pour le cinéma, la télévision, les jeux vidéos, etc. La centaine de musiciens qui le compose vient quotidiennement interpréter les partitions de compositeurs du monde entier, qui assistent à l’enregistrement par un procédé de téléconférence. Par ailleurs, il développe avec Myriam Lefkowitz une recherche au long cours sur le remote viewing, pratique parapsychologique conçue par la CIA dans les années 1970 qui repose sur la canalisation des perceptions non-sensorielles. Le modèle de sensorialité́ que produit cette pratique met en jeu d’une manière singulière le rapport entre imagination et perception, entre « intérieur » et « extérieur ». De même, la dimension syncrétique des origines de cette pratique permet d’interroger des enjeux politiques très contemporains.
Le travail de Simon Ripoll-Hurier (1985) a été présenté dans des festivals et biennales (Visions du Réel, FIDMarseille, Bergen Assembly, Helicotrema…), dans des centres d’art (Laboratoires d’Aubervilliers, Frac Franche-Comté́, Ujazdowski Castle à Varsovie, Greylight à Bruxelles, Le Magasin…) et diffusé à la radio (France Culture, Wave Farm / WGXC…). Diplômé des Beaux-arts de Paris en 2008, Simon Ripoll-Hurier joue aussi avec Les Agamemnonz, un groupe de surf instrumental, et a cofondé́ *DUUU, une webradio d’artistes.
Contester la notation, c’est s’opposer aux hégémonies langagières, ré-articuler leur structures idéologiques. Il est question de contrer les formes hégémoniques de domination verbale et institutionnelle. Performer en retour l’espace, c’est le jouer en temps réel et interpréter sa logique, le défaire de ses fonctions premières et travailler la variété des échanges possibles sans que ceux-ci ne soient à priori déterminés. L’interaction environnementaliste engage ainsi une multiplicité d’échanges et de participations qui permettent de développer des capacités intellectuelles et sensuelles nouvelles, dé-hiérarchisées. C’est ainsi que fredonnent les bourdons de la contestation. Ils prennent l’ampleur d’un drone continu qui remplit toutes formes de structures institutionnelles, afin de les faire craquer.
Marie Canet est commissaire d’exposition, essayiste et critique d’art spécialisée en cultures visuelles modernes et contemporaines. Elle a publié en 2017 un ouvrage monographique au sujet de l’œuvre de Charlemagne Palestine (Les presses du réel). Elle est également l’autrice d’un essai sur le langage et les médias (Juntos en la Sierra, Shelter Press, 2018). Elle prépare actuellement une monographie sur l’œuvre de Marc Camille Chaimowicz (prévu pour 2020), ainsi qu’un essai sur la paranoïa.
En faisant du bruit son matériau principal, en renonçant aux principes traditionnels – rythmiques, mélodiques, harmoniques – de composition, la noise invite à repenser l’écoute. Si elle n’offre pas à l’oreille des formes immédiatement identifiables, ce pourquoi elle est souvent décrite comme chaotique, elle ne se situe pas pour autant du côté du pur informe – émergent, de manière stratifiée et souvent fragile, des motifs rythmiques ou mélodiques. Cette présentation s’intéressera aux écoutes de la noise en cherchant à voir comment elles contribuent à configurer les œuvres, en trouvant des fils d’Ariane dans la masse sonore, loin de l’idée d’un pur chaos.
Docteure en philosophie, Catherine Guesde s'intéresse à l'esthétique du metal extrême et de la noise ; elle a notamment co-écrit The Most Beautiful Ugly Sound in the World. A l'écoute de la noise avec Pauline Nadrigny (éditions Musica Falsa). Elle est membre du comité de rédaction de Volume ! La revue des musiques populaires, éditrice pour Books & Ideas (La Vie des Idées), et critique musicale chez New Noise magazine. Elle développe également des projets plus ou moins musicaux (dont Ciguë).
Toute propagation du son s’accompagne d’une réflexion acoustique, dès lors que l’onde sonore rencontre une surface qui en partie l’absorbe et en partie la réfléchit. Dérivant de ce principe, le cycle Reflexio propose une série de conférences où les paroles d’artistes, de musiciens et de chercheurs s’offrent à la réflexion partagée, dans des moments d’échange où les énoncés de chacun et chacune deviennent autant d’échos d’échos. De la question du genre dans les musiques expérimentales aux pratiques sonores brutes, en passant par le field recording antinaturaliste, l’écoute noise, les bourdons de la contestation, ou encore les sonorités de l’invisible, ces conférences abordent quelques-unes des préoccupations qui animent, aujourd’hui, les pratiques et la recherche dans les arts sonores et les sound studies.