L’écologie des arts et des médias est entendue comme l’étude des rapports entre les technologies médiatiques, les environnements informationnels et les sociétés humaines, avec la culture et sa diffusion, l’éducation et le travail. Il s’agit d’envisager ces rapports comme des interactions entre les divers éléments d’un écosystème naturel, sur le mode de la complexité induite par un mouvement permanent et des mutations. Autrement dit, analyser les influences que les techniques et les modes de communication ont sur les agencements sociaux et les faits culturels ; étudier les systèmes sociaux contemporains où circulent et s’échangent des signes, des images, des sons, des messages, en mettant en évidence leur rôle dans l’élaboration des formes culturelles. Il faut également ajouter l’importante question de la réception et des usages, qui amène celle de l’innovation par l’appropriation et la transformation des outils et des techniques, et des pratiques alternatives, notamment dans et par les arts.
Trouver la forme de son expression plastique, c’est aussi penser ses conditions de production en amont et ses conditions de monstration en aval. C’est en ces deux points que toute œuvre est politique, c’est à dire qu’elle est en prise ou aux prises avec le fonctionnement de la société. Travaillant ensemble depuis plus de vingt ans et ayant œuvré successivement à la lisière des champs du net-art, du conte, du cinéma, du droit, de la performance, du tissage, nous cherchons toujours aujourd’hui à inscrire notre activité dans la vie sociale comme une douce intruse qui permette un échange de point de vue avec celles et ceux qu’elle nous fait cotoyer.
Patrick Bernier & Olive Martin se sont rencontrés à l’école des Beaux-arts de Paris en 1999, expérimentant différentes formes – films, performances, photographies, pièces sonores – au gré de projets souvent réalisés en collaboration avec des professionnels d’autres champs : les avocats Sébastien Canevet et Sylvia Preuss-Laussinotte pour X. et Y. c/ Préfet de... ; Plaidoirie pour une jurisprudence (crée aux Laboratoires d’Aubervilliers en 2007) ; les conteurs Carlos Ouedraougo pour Quelques K de mémoire vive (2003-2005) et Myriame El Yamani pour Bienvenue chez nous, Album de résidence (Montréal, 2005) ; le vendeur aux enchères Steve Bowerman pour Traceroute Chant, San Francisco-Paris (Fondation Kadist, 2010) ; et le tisserand Ousman Ka à Dakar pour Wilwildu (Centre d’art Grand Café, Saint-Nazaire, 2016). Ils créent ainsi des oeuvres où se perçoivent, au travers d’hésitations, de surprises, les efforts consentis par les uns et les autres pour bousculer leurs propres langue et forme. Ce questionnement de la relation de l’individu à un territoire qui lui serait propre, terre, pays ou activité professionnelle, est également au centre de leurs deux flms, Manmuswak (Nantes, 2005) et La Nouvelle Kahnawake (Québec, 2010). En 2012, ils élaborent L’Échiqueté, variante du jeu d’échecs, où peuvent se lire la situation paradoxale du métis dans l’histoire coloniale comme celle, ambiguë, de l’artiste politiquement engagé dans le champ de l’art contemporain. Abordant alors le tissage en autodidactes pour la réalisation de leurs échiquiers, ils persévèrent depuis dans leur intérêt pour ces techniques qui condensent une histoire à la croisée des technologies, des échanges culturels et des luttes sociales.
Nous mettrons quelques chaises en cercle, et je vous raconterai ce que j’ai vu et entendu là-bas, dans ce petit coin du grand nord de Marseille. Je prendrai un bout de craie et tracerai sur le sol une carte des espaces fragmentés que j’ai parcourus deux années durant, des cités de Consolat aux camps de Mirabeau, du port jusqu’au sommet de la colline. Je vous dirai les êtres que j’ai croisés là et ce qu’ils m’ont confié de leurs vies mouvementées. (Durée 85 minutes)
Till Roeskens est né en Allemagne et vit désormais au Mas de Granier, une ferme collective dans la plaine de la Crau, au pied des Alpilles. Amateur de géographie appliquée, son travail s’est développé dans la rencontre avec quelques fragments de l’espace terrestre et celles et ceux qui tentent d’y tracer leurs chemins. Ce qu’il a ramené de ses explorations, que ce soit sous la forme d’un livre, d’un film, d’une conférence, d’un conte ou autres formes légères, ne s’est jamais voulu un simple rapport, mais une invitation à l’exercice du regard, une quête de liberté, une tentative de se situer dans l’infinie complexité du monde.
Est-ce que le musée peut encore jouer un rôle émancipateur aujourd’hui ? Alors que la quasi totalité des textes consacrés au musée par la critique institutionnelle dans les années 1980 – 2000 l’identifiaient comme un vecteur de domination culturelle, sociale et politique, l’accélération de la marchandisation néo-libérale nous permet-elle de placer nos espoirs d’émancipation dans une institution qui s’est révélée aussi fragile ?
Patricia Falguières est professeure agrégée à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Paris. Elle a publié de nombreux essais sur la philosophie et l’art de la Renaissance, les classifications, les encyclopédies, les index et la naissance du musée dans l’Europe moderne, le Maniérisme, et assuré l’édition française du classique de Julius von Schlosser, Les cabinets d’art et de merveilles de la renaissance tardive (Macula, 2012). Ses travaux portent actuellement sur la technè à la Renaissance, l’inscription des pratiques artistiques dans l’ordonnance aristotélicienne des savoirs, et la théorie de l’architecture. Elle a mis en place le séminaire international « Arts, invention, industrie : Gottfried Semper et les débuts d’une science des artefacts » et co-dirigé le colloque international « L’industrie de l’art. Gottfried Semper, l’architecture et l’anthropologie dans l’Europe du XIXe siècle ». Parallèlement, dotée d’une riche expérience de l’enseignement artistique, elle intervient régulièrement par ses articles et ses essais dans le champ de l’art contemporain, qu’il s’agisse d’approches monographiques (Thomas Hirschhorn, Cristina Iglesias, Anri Sala, Mona Hatoum, Bernard Frize, Allora & Calzadilla, Abraham Cruzvillegas, Philippe Thomas. Julie Ault, Danh Vo...), ou d’essais sur l’art conceptuel, les relations de l’art et du théâtre au XX e siècle, les logiques du display ou le classique de Brian O’Doherty, Inside the White Cube dont elle a assuré l’édition critique en langue française (2008). Elle dirige à l’EHESS, avec Elisabeth Lebovici et Natasa Petresin le séminaire « Something you should know ». En 2011 le Centre Pompidou a organisé un programme de conférences et de rencontres « Selon Patricia Falguières ». Elle a été, de 2012 à 2016, présidente du Centre National des Arts Plastiques (CNAP).
En 2018, Goldin+Senneby remportent un concours pour réaliser une oeuvre d’art public pour la nouvelle gare Korsvägen de Goteborg en Suède. Leur proposition s’intitule « Eternal Employment » (L’Emploi éternel). Elle consiste à embaucher une personne à la station Korsvägen, demeurant libre de faire ce qu’elle souhaite dans son travail. Ses actions, quelles qu’elles soient, constituent l’oeuvre d’art. Le contrat de travail est un CDI à plein temps. Dans cette conférence, le duo reviendra sur cette proposition singulière et sa généalogie artistique.
Goldin+Senneby est une collaboration en duo des artistes Simon Goldin et Jakob Senneby. Ils travaillent ensemble sous ce nom depuis 2004 et sont basés à Stockholm. Leur pratique s’intéresse aux constructions juridiques, financières et spatiales à travers les notions de performatif et de virtuel.
Cette conférence souhaite montrer comment le vocabulaire d’écologie acoustique, mais aussi les objectifs et les tactiques de Raymond Murray Schafer ont récemment été récupérés par les entreprises européennes spécialisées dans le contrôle de la pollution sonore. Je ferai cette démonstration en présentant trois vagues de protestation contre la pollution sonore urbaine depuis le début du XX e siècle, les changements que l’on peut y repérer dans la conception même de ce que représente une ville, ainsi que certains glissements à l’œuvre dans les positions des arts sonores et du design sonore concernant l’activisme anti-bruit. En complément, je suggérerai que nous pouvons tirer profit de cet intérêt croissant pour l’héritage de Schafer de la part des entreprises européennes spécialisées dans le contrôle de la pollution sonore, en prenant au sérieux son travail quelque peu oublié sur les législations (ordinances) locales. Ceci peut être fait en reliant l’idéal schaferien maintes fois cité du jardin sonore (Soniferous Garden), quoique sous une nouvelle forme, aux ordonnances locales, autrement dit des eardonnances autorisant les habitants des villes à faire usage d’espaces acoustiques préservés et enrichis.
Karin Bijsterveld est historienne et professeure en sciences, technologie et culture moderne à l’université de Maastricht. Son travail se concentre sur des thèmes au croisement des science and technology studies et des sound studies. Elle est l’autrice de Mechanical Sound: Technology, Culture, and Public Problems of Noise in the Twentieth Century (MIT Press, 2008), co-éditrice avec Trevor Pinch du Oxford Handbook of Sound Studies (Oxford UP 2012), co-autrice avec Eefje Cleophas, Stefan Krebs & Gijs Mom de Sound and Safe: A History of Listening behind the Wheel (Oxford UP 2014) et a dirigé le numéro thématique sur l’histoire auditive de The Public Historian (2015). Parmi ses autres travaux, son livre Sonic Skills: Listening for Knowledge in Science, Medicine and Engineering (Palgrave 2019) est en accès libre en ligne (https://www.palgrave.com/gp/book/9781137598318). Elle travaille actuellement à une version géolocalisée d’un livre audio en néerlandais sur l’histoire du son, ainsi que sur l’histoire de l’analyse sonore dans la Stasi.
Passionné de botanique, Emanuele Coccia, en s’interrogeant sur l’ontologie des plantes, la spécificité de leur mode vital, leur forme d’échanges et de communication, et leurs profondes dissemblances d’avec les mammifères, observe les contingences qui les lient néanmoins. Il va ainsi créer une métaphysique et une éthique du mélange et de l’hybridation entre végétal, animal ou minéral. Cela l’entraîne à s’interroger sur la sensibilité et la conscience de formes de vies traditionnellement mises à l’écart de ces questions. Il sera également amené à faire l’étude et l’analyse de phénomènes et comportements liés à l’effondrement annoncé de la civilisation industrielle tels que la collapsologie, le changement climatique et le climato-scepticisme ou l’antispécisme et la domination entre espèces.
Docteur en philosophie médiévale, maître de conférences à l’université de Freiburg de 2008 à 2011, Emanuele Coccia est actuellement rattaché à l’EHESS. Il a publié en 2016 La vie des plantes. Une métaphysique du mélange, Payot et Rivages, Paris et en 2013 Le Bien dans les choses, tr. de M. Rueff, Payot et Rivages, Paris.
Les textes de présentation de cette page sont extraits du document rédigé par les organisateurs-trices. Nous les en remercions ici comme de nous faire confiance pour la captation des conférences.